Martin James Bartlett ( festival international de piano - la roq

J’ai assisté dimanche 31/7/22 au concert de Martin James Bartlett . Je vs livre ci- dessous un court texte qui tente de traduire mon ressenti pdt et après ce moment magique pr moi . Peut être trouverez vs intéressant de le partager avec vos auditeurs .
Avec mes remerciements
ASD

A corps-accords

Il trône majestueux, imposant. Seul en scène, revêtu de son costume d’apparat , une laque noire . Il attend l’invité du jour, son partenaire pour quelques instants de grâce. Le ventre béant , le cœur à l’air, ouverts en grand. Prêts à recevoir, prêts à donner. Prêts à faire couple.

Le jeune homme fait son entrée . Concentré, le regard perdu au loin, les yeux tournés vers l’intérieur. Le pas un peu trop affirmé pour être tout à fait sincère. On sent l’appréhension, l’intimidation aussi–c’est un débutant. Il salue son public, lâche l’unique  bouton de sa veste, – il veut être à l’aise ,libre de ses mouvements -, avant de s’asseoir sur le tabouret dont il règle la distance et la hauteur. Un ajustement machinal,mécanique; un geste de réassurance sans doute.
Il lève enfin les yeux; lentement , avec un immense respect, il incline la tête devant le maître. Il doit être à la hauteur. Il ne veut pas décevoir. Il sent les battements de leur cœur vibrer à l’unisson.
Entre eux, pas d’écran, même pas celui d’une feuille de papier. Ses partitions, il les connaît par cœur ; il les a tant répétées. Entre eux ,l’accord des corps, brut, sans fard.

Une respiration, infime et les premières notes surgissent des entrailles de la boîte noire, résonnent , emplissent l’air.Elles embarquent le public médusé, sidéré. Le souffle coupé.

Les doigts du garçon courent sur le clavier,dans un sens puis dans un autre, crochètent au-dessus des touches, rebondissent tels des cabris sur les rectangles noirs et blancs. Tantôt ils dévissent, dévalent la pente des octaves, se cognent au dos du do grave. Tantôt ils caracolent vers le sommet des aigus. Un va et vient fascinant,brillant.

A quelques centimètres du clavier, le corps du pianiste se met en mouvement, s anime lui aussi .Sa tête s’enroule sur le sternum, le buste s’aplatit devant le maître, se couche sur les touches qu il recouvre et caresse avec vigueur ou délicatesse , - c est selon l’humeur du compositeur , l’interprétation de l’artiste . Il attire à lui le maître, l’enlace, tente de l’entraîner dans sa danse. Le grand homme hésite, résiste, renvoie l’élève au loin, en arrière . Il veut savoir avant de se donner corps et âme , ce que le jeune homme a au fond des tripes. Il veut  être sûr du cœur de son cavalier . Il veut des preuves, de la vélocité, de la technique de son partenaire. De son amour de la musique .Le jeune musicien ne lâche rien, ne cède rien. Cette danse ,il la veut.

Quelques mesures suffisent pour conquérir le maître. La salle de concert devient salle de bal . Sur la scène ,le pianiste et son instrument entament leur ballet, un corps à corps où l’intime et le sensuel se lient , se délient et se relient ,ravissent le spectateur , l’emportent vers d’autres rivages , d autres accords .

( Martin James Bartlett-31/07/2022.
FIP de la Roque d’Anthéron )

Ecouter ou télécharger les podcasts Des vies françaises